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Le 6 mai 2022, nous, Photographe et Bidouille, nous sommes rendus
à la représentation « La Machine de Turing» au théâtre Novarina de Thonon,
spectacle passionnant sur le personnage d’Alan Turing qui l’est tout autant.
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Crédit photo : Maison des Arts du Léman |
Qui était Alan Turing ?
Mathématicien britannique, Alan Turing était passionné par
l’idée de construire une machine qui pense. Il est notamment connu pour être
l’auteur de travaux qui sont considérés comme le fondement scientifique de
l’informatique. Il est né juste avant la première guerre mondiale et décédé peu
après la seconde.
Le code Enigma
Réputée inviolable, la machine Enigma, bien qu’inventée à la
fin des années 10, a été principalement utilisée et améliorée par les nazis et
les autres pays de l’axe durant la seconde guerre mondiale. Sa fonction
consistait à chiffrer et déchiffrer des messages. Son principe de fonctionnement
reposait sur un système de rotors et de câbles.
La machine de Turing, précurseuse des calculateurs
Premier calculateur électro-mécanique au monde, la machine de Turing cherchait à découvrir chaque jour les réglages de la machine Enigma. Elle
comportait un très grand nombre de rotors équivalents à ceux de Enigma pour
identifier les codes.
Le spectacle
La pièce, jouée par deux acteurs, retrace trois périodes de
la vie d’Alan Turing : son enfance, la seconde guerre mondiale et la fin
de sa vie dans les années 50. Des passages de l’existence du mathématicien sont
alternés tout comme dans le livre qui a inspiré cette production ainsi que le film qui
en a été tiré.
Benoît Solès joue le rôle du héros de bout en bout de la
prestation. Amaury de Crayencour occupe alternativement ceux du sergent enquêteur
Ross, de l’amant de Turing dans les années 50 et celui de Hugh Alexander au
plus fort du conflit.
Le spectacle commence au cours de l’hiver 1952 dans le
bureau du sergent Ross à Manchester. Nous y découvrons qu’une plainte de Mr
Turing pour le cambriolage de son logement l’a conduit dans ce lieu. Le
dialogue est amené sous le trait de l’humour que Turing ne semble pas toujours
saisir. Les explications confuses du plaignant mettant en cause un vendeur
d’aspirateur que personne dans le quartier n’a vu et le peu de choses sans
valeur qui ont été dérobées, éveillent les suspicions de l’enquêteur. Celui-ci
finissant par penser que le professeur Turing serait un espion soviétique. De
fil en aiguille, chaque fois que la scène du commissariat revient, nous
comprenons que Alan Turing a beaucoup de secrets à cacher concernant ses
activités pendant la guerre, tout autant que sa sexualité. L’homosexualité, à
cette époque, constituait un crime passible de prison. Prof, comme a demandé à
être surnommé le professeur d’université finira par livrer ses confidences au
policier. Le cambrioleur était en fait son amant, Arnold. Si le décodage de la
machine Enigma ne sera pas dévoilé ; l’homosexualité d’Alan sera punie par la
castration chimique sous forme d’injection d’œstrogène, ce qui conduira Turing
au suicide à l’âge de 41 ans. En toile de fond, est évoqué une conférence que
donne l’inventeur sur le thème « Les machines peuvent-elles
penser ? ». Pure folie au début des années 50 que nous appelons
aujourd’hui intelligence artificielle.
Peu après, dans le spectacle, apparait Arnold, serveur et
amant de Turing, certainement prostitué, que Alan a rencontré un soir
d’été dans un sombre quartier de Manchester. Celui-ci portera toutes les
accusations de leur relation sur Alan, un peu plus tard, lors du procès. Alan
Turing acquiescera, certainement pour épargner la prison à ce jeune homme de 25
ans.
Dans les allers et retours entre les époques, arrive le temps
de la deuxième guerre mondiale. Le professeur Turing fait la connaissance de
Hugh Alexander, deux fois champion d’échec de Grande-Bretagne et cryptanalyste
réputé. Les deux hommes ainsi que la fine fleur des cruciverbistes britanniques
et les meilleurs linguistes du royaume sont enrôlés dans un des projets les
plus secrets de tous les temps, à savoir le décryptage du code Enigma.
La machine inventée par ce génie méconnu qu’était Alan
Turing, devait tester tous les jours les 159 milliards de milliards (159 x 1018) de
combinaisons possibles. Le code Enigma changeait chaque soir à minuit. Après 2
ans d’échec et 100 00 £ de l'époque investies, « Christopher » : la
machine de Turing fut menacée d'arrêt. Peu de temps après cette affront, le professeur
Turing comprit que tous les messages des nazis se terminaient de la même façon, c’est-à-dire par « Hie Hitler ». Cette découverte amena à
« casser Enigma ».
Pour ne pas révéler le décryptage enfin possible des
messages des ennemis nazis, un choix difficile fut appliqué : n’intervenir
que dans environ 20% à 30% des possibilités de contrer l’adversaire afin qu’il ne se doute de rien. Et qu’il ne complexifie pas le matériel de cryptage
Enigma. Ce fut un dilemme très cornélien qui permit de sauver un grand nombre
de vies humaines, en sacrifiant dans 80% des cas les vies alliées, et qui hanta
Alan Turing jusqu’à la fin de ses jours en 1954. D’autant plus que dans la
pièce, le sergent Ross, dont le frère est mort pendant la guerre dit à Alan Turing « Vous n’êtes pas dieu, vous
n’avez pas le droit de choisir qui doit vivre ou mourir ». C’est assez ironique dans la mesure où Alan Turing était agnostique. Il était également réfractaire à la
violence.
Des flash-backs nous conduisent à l’enfance de Turing, élève
surdoué et maltraité par ses camarades jaloux. Il n’avait qu’un seul véritable
ami, prénommé Christopher. Ce dernier est décédé à 19 ans à cause de
l’ingestion de lait frelaté. Il manquera à Alan jusqu’à son dernier souffle.
C’est en son honneur que Alan Turing surnommera sa machine de décryptage Christopher.
Dans la pièce, Turing parle de temps à autres du film
Blanche-Neige, chantonnant quelques extraits. « Un jour mon prince viendra »
faisant référence à son attirance pour les personnes du même genre et la pomme
empoisonnée étant le moyen qu’aurait choisi le mathématicien pour en finir avec
la vie.
Notre avis sur le spectacle
La grande performance des acteurs a été récompensée par 4
Molières dont ceux de l’acteur francophone et du metteur en scène pour Benoît
Solès. Les décors transposaient très bien l’environnement qu’ils voulaient
montrer. Un spectacle aussi riche sur un personnage tellement fascinant qu’est
Alan Turing, ne nous laisse pas le temps de regarder l’heure. Bien que le
bégaiement du héros était probablement surjoué au début du spectacle, les
acteurs savent nous entraîner dans l’Univers de l’Histoire et de la science.
Notre avis sur Alan Turing
Il est estimé que le génie d’Alan Turing a permis de raccourcir
la seconde guerre mondiale de deux ans et d’épargner 18 millions de vies. Le
débarquement de Normandie n’aurait peut-être pas eu lieu sans lui. Ses travaux ont été
repris par la suite par de nombreux techniciens et ingénieurs, essayant chacun
de créer leur propre machine de Turing et progressant jusqu’à ce que nous appelons
aujourd’hui ordinateur. Turing a été gracié, à titre posthume, par la Reine
Elizabeth II en 2013. Personnellement, nous pensons qu’il aurait pu être anobli.
Il est assez probable que Alan Turing était autiste asperger, de par ses grandes capacités intellectuelles, ses difficultés dans
les interactions sociales ou sa façon de considérer les choses au premier
degré. Sa place à la postérité est amplement méritée, comme pour d’autres grands
personnages du passé qui étaient probablement aussi asperger célèbres tel que Newton, Einstein
et Marie Curie et des grands noms du domaine de l’informatique comme Bills
Gates, Steve Jobs, et Mark Zuckerberg qui le sont tout autant.
"Parfois, ce sont les personnes que l’on imagine
capable de rien qui font les choses que personne n’aurait imaginé ! "
Alan Turing
Un article de Photographe et Bidouille